Oxyde de fer

L’oxyde de fer, codé E172, est un colorant fréquemment utilisé dans les industries agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique. Mais quelles sont ses vertus ? En quoi est-il si nécessaire ? Est-il vraiment un excipient à risques pour la santé ? Ses bienfaits pourraient-ils prendre le dessus sur ses potentiels dangers ?

En bref

Note globale
5 / 10
  • Naturalité
    C’est un colorant systématiquement synthétique.
  • Toxicité supposée
    Il est présent sous forme de nanoparticules qui pourraient nuire à l’organisme. De l’aluminium peut être utilisé pour sa fabrication.
  • Manifestation secondaire
    Aucun effet secondaire n’a été constaté.
  • Contre indication
    Il n’y a aucune contre-indication à son ingestion.

Préferénces alimentaires

  • Additif naturel
    Synthétique
  • Additif non nano
    Nano
  • Additif non OGM
    Non OGM
  • Additif utilisable en bio
    Non utilisable en bio
  • Additif sans gluten
    Convient aux régimes sans gluten
  • Additif Hallal
    Hallal
  • Additif vegan
    Convient aux régimes vegan

Définition

Il s’agit d’un mélange chimique d’origine minérale, composé d’oxygène et de fer.

En fonction de son état d’oxydation, il est classé en trois catégories :

  • type II, appelé aussi oxyde ferreux, dont la formule chimique est de FeO ;
  • type III, appelé aussi oxyde ferrique, dont la formule chimique est de Fe2O3 ;
  • type II, III, appelé aussi sesquioxyde de fer ou oxyde magnétique, dont la formule chimique est de Fe3O4

On peut en trouver naturellement dans les roches (surtout les minerais de fer) ou dans les sols. Mais dans le milieu industriel, cet excipient est produit synthétiquement, à partir de sulfate ferreux. En tant que colorant alimentaire, il porte le numéro de code E172. Il peut être anhydre ou hydraté.

Ainsi, l’oxyde de fer de qualité alimentaire est compatible avec les régimes Halal, Casher et végétarien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est très sollicité par les industriels de la filière agroalimentaire.

A quoi sert-il ?

Il peut servir dans de nombreux domaines, comme :

  • pigment dans les beaux-arts, la céramique, la peinture à l’huile, les revêtements, l’agroalimentaire, le cosmétique et les produits pharmaceutiques ;
  • base d’enduits dans l’enregistrement magnétique ;
  • produit de contraste dans l’imagerie médicale.

Il existe plusieurs teintes disponibles autorisées dans les aliments transformés :

  • le noir, codé E172(i) ;
  • le rouge, codé E172(ii) ;
  • le jaune, codé E172(iii) ;
  • le brun, qui est couramment utilisé dans les mélanges commerciaux.

L’oxyde de fer peut être ajouté dans de nombreuses catégories de denrées alimentaires. Selon les dispositions du Codex Alimentarius1, la concentration maximale autorisée pour cet excipient varie d’un aliment à un autre :

  • 20 mg/kg pour les boissons à base de lait liquide aromatisé ;
  • 50 mg/kg pour le fromage fondu, les produits de pêche en conserve ;
  • 75 mg/kg pour les céréales pour petit déjeuner, les desserts à base de céréales, les sauces ;
  • 100 mg/kg pour les boissons concentrées ou à base d’eau aromatisée, les croûtes de fromage affiné, les desserts lactés, les décorations, nappages et sauces sucrées, les ptages et bouillons, les produits de boulangerie fine, les succédanés de saumon, de caviar et d’autres produits à base d’œufs de poisson ;
  • 150 mg/kg pour les desserts à base d’œufs ;
  • 200 mg/kg pour certaines confiseries, les confitures, gelée et marmelades, les desserts à base de fruits ;
  • 250 mg/kg pour les fruits confits, les produits de la pêche fumés ou séchés ;
  • 300 mg/kg pour les fruits en conserve ou en bocal, les glaces de consommation ;
  • 350 mg/kg pour les desserts à base de matière grasse ;
  • 400 mg/kg pour les fruits à coque ;
  • 500 mg/kg pour les amuse-gueules, les pâtes à tartiner à base de fruits ;
  • 1.000 mg/kg pour les assaisonnements et condiments, les boyaux comestibles, les fruits frais traités en surface ;
  • 7.500 mg/kg pour les compléments alimentaires ;
  • 10.000 mg/kg pour le chewing-gum.

Seuls les œufs frais peuvent en contenir, selon le principe des bonnes pratiques de fabrication (BPF).

A noter : il est autorisé dans l’alimentation infantile. Mais il est interdit dans les produits bio.

Quels dangers risque-t-on ?

Concernant sa toxicité ?

Dans son Avis relatif à la réévaluation de cette substance en tant qu’additif alimentaire2, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a conclu que :

  • la toxicité orale aiguë est plus de 10 g/kg pc ;
  • la dose sans effet nocif observé (DSENO) pour la toxicité subaiguë et subchronique de l’oxyde de fer rouge est de 1.000 mg/kg pc/jour (dose la plus élevée testée) ;
  • par manque d’études, la génotoxicité ne pouvait pas être évaluée, bien que les formes rouges et noires aient été testés positives sur des cellules de mammifères ;
  • aucun signe de toxicité n’a été observé en termes de cancérogénicité et de toxicité pour la reproduction et le développement.

En somme, leur innocuité n’a pas été adéquatement évaluée, faute de bases de données disponibles. Or, l’exposition à cet excipient serait de 0,3 mg/kg pc/jour pour les nourrissons, et 3,7 mg/kg pc/jour pour les tout-petits.

La DJA (dose journalière acceptable) fixée par la JECFA (Comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires) en 1980 reste encore valable : 0 à 0,5 mg/kg pc/jour.

Compte tenu de la taille de ses particules ?

L’oxyde de fer (E172) utilisé en tant que colorant alimentaire peut être de tailles différentes. Certains se présentent même sous forme de nanoparticules. Et cela crée une polémique sur la sécurité de cet excipient.

La consommation de nanoparticules en tant qu’additif, serait-elle vraiment dangereuse pour la santé ?

Certaines études avancent que les nanoparticules pourraient accéder à divers organes à travers la barrière intestinale, comme le foie, les reins, le cœur, voire le cerveau. D’autres rapports mentionnent qu’elles pourraient provoquer des retards de croissance, des anomalies dans le développement ou la reproduction. Mais selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), dans son Evaluation des risques liés aux nanomatériaux3, « de nombreuses incertitudes demeurent et peuvent donner lieu à des divergences d’interprétation ».

Ainsi, les risques sanitaires liés aux denrées alimentaires contenant des nanoparticules d’oxyde de fer seraient encore très difficiles à évaluer.
A noter : pour information des consommateurs, le Règlement (UE) N° 1169/20114 du 25 octobre 2011 a exigé à ce que tous les ingrédients sous forme de nanomatériaux soient indiqués clairement dans la liste des ingrédients. Le nom de l’ingrédient devrait être suivi du mot « nano » entre crochets.

Toutefois, force est de constater que les industriels feraient tout leur possible pour échapper à cette obligation, notamment en essayant de ne pas dépasser le seuil fixé.

En effet, selon la Recommandation de la Commission Européenne5, un nanomatériau contient « des particules libres […] dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm ».

En termes de contamination par d’autres métaux ?

D’après l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), l’oxyde de fer utilisé dans l’agroalimentaire ne serait sujet qu’à un faible taux de contamination par d’autres métaux. Sur ce point, on pourrait dire qu’ils ne présenteraient pas de danger pour la santé. Selon les critères de pureté fixés par le Règlement (UE) N° 231/20126 du 9 mars 2012, relatif aux spécifications des additifs alimentaires, cet excipient ne devrait contenir pas plus de :

  • 1 % de matières hydrosolubles ;
  • 3 mg/kg d’arsenic ;
  • 1 mg/kg de cadmium ;
  • 100 mg/kg de chrome ;
  • 50 mg/kg de cuivre ;
  • 10 mg/kg de plomb ;
  • 1 mg/kg de mercure ;
  • 200 mg/kg de nickel ;
  • 100 mg/kg de zinc.

Toutefois, sa production synthétique pourrait requérir l’utilisation de silicate de potassium et d’aluminium (E 555) en tant que support d’additif. Dans ce contexte, l’EFSA estime que l’exposition maximale à l’aluminium pourrait dépasser de loin la dose hebdomadaire tolérable (DHT) de 1 mg d’aluminium/kg pc/semaine7.

Or, une forte dose d’aluminium pourrait être néfaste pour la santé. Dans le Règlement N° 231/2012, la Commission européenne a considéré qu’« il convient de limiter la présence d’aluminium » dans les additifs alimentaires, et que les nouvelles techniques de fabrication devraient le permettre.

Par rapport au carence ou à l’excès d’apport en fer ?

Le fer est un oligoélément essentiel pour l’organisme humain. Il contribue à la production :

  • de l’hémoglobine, une protéine qui permet aux globules rouges de transporter de l’oxygène partout dans le corps humain ;
  • de la myoglobine, une protéine qui permet au muscle de stocker l’oxygène ;
  • d’enzymes nécessaires dans la respiration et la synthèse de l’ADN.

Ainsi, pour le bon fonctionnement de l’organisme, les autorités sanitaires ont fixé les apports nutritionnels conseillés (ANC) en fer à :

  • 11 mg/jour pour les hommes et les femmes ménopausées ou ayant des pertes menstruelles faibles ou normales ;
  • 16 mg/jour pour les femmes ayant des pertes menstruelles élevées ;
  • 7 à 14 mg/jour pour les enfants de 3 à 17 ans.

Une carence en fer pourrait provoquer une diminution de la capacité physique et intellectuelle, une fragilité face aux infections, des troubles lors de la grossesse, des difficultés à maintenir la température corporelle, voire de l’anémie.

En revanche, un excès de l’apport en fer aurait une incidence négative sur les maladies cardiovasculaires, le diabète de type II et les cancers digestifs.

Quoi qu’il en soit, la quantité de fer apportée par l’oxyde de fer utilisé comme additif alimentaire est insignifiante. La consommation de l’additif E172 ne pourrait donc pas être associée à une carence ou un excès d’apport en fer.

Pour résumer

  • Il s’agit d’un colorant alimentaire fréquemment utilisé dans l’industrie agroalimentaire. C’est un minéral qui peut conférer aux aliments une teinte noire, rouge, jaune ou brune.
  • Cet excipient est fabriqué de façon synthétique, et est parfois distribué sous forme de nanoparticules.
  • Il est compatible avec divers régimes alimentaires : Halal, Casher, végétarien…
  • Il peut être ajouté dans diverses catégories alimentaires, à des proportions maximales limitées, allant de 20 à 10.000 mg/kg.
  • Les industriels peuvent l’utiliser dans les denrées destinées aux nourrissons et enfants en bas âge, mais jamais dans l’agriculture biologique.
  • La dose de cette substance ajoutée dans les aliments pour leur conférer une couleur est si faible qu’elle n’aurait pas d’effet sur l’apport en fer pour l’organisme.
  • Les risques pour la santé liés à l’utilisation des nanoparticules suscitent des controverses.
  • Lors de la dernière réévaluation de ce colorant, l’Autorité sanitaire européenne n’avait pas pu confirmer l’innocuité de l’oxyde de fer (E172), utilisé en tant qu’additif alimentaire, faute de bases de données suffisantes.
  • Les résidus de métaux dans cet excipient sont considérés comme faibles. Mais le risque lié à l’éventuelle présence d’aluminium ne serait pas à écarter.

En conclusion

A cause d’un manque de base de données disponibles et d’une impossibilité de faire des études croisées, les autorités de la sécurité des aliments n’ont pas pu évaluer adéquatement l’innocuité des nanoparticules d’oxyde de fer en tant que colorants alimentaires. Ainsi, par précaution, il vaudrait mieux limiter, voire éviter, la consommation des aliments contenant cet excipient.