On le sait, les excipients naturels ne sont pas tous inoffensifs. De même, ceux de synthèse ne sont pas tous nocifs. Quoi qu’il en soit, nombreux sont ceux qui préfèrent un additif alimentaire naturel au synthétique. Mais qu’est-ce qui les différencie ? Quelles sont les conditions pour le classer comme naturel ? Les formes synthétiques sont-elles dangereuses pour la santé ? Quelles sont les formes naturelles ?
Additif naturel et synthétique : quelle différence ?
Colorants, conservateurs, antiagglomérants, épaississants, stabilisants, exhausteurs de goût, agents de charge… Toutes les catégories d’excipients peuvent être groupées en deux classes, en fonction de leur origine :
- les excipients naturels ;
- les excipients de synthèse.
La différence entre ces deux catégories se concentre sur les matières premières exploitées. Les formes naturelles sont extraites de substances végétales, animales, minérales ou marines. Mais les formes synthétiques sont produites en partie ou totalement à partir d’ingrédients chimiques.
Quels sont ceux naturels ?
Pour être classé comme naturel, un additif alimentaire ne devrait contenir aucune matière chimique. Toutefois, il se peut qu’il provienne de la modification chimique d’une substance naturelle, à l’issue d’un procédé physique. Par exemple, le chauffage modifie les composants chimiques du sucre qui se transforme alors en une couleur caramel.
E508 – Chlorure de potassium
Il peut être d’origine :
- minérale, issu de l’extraction de minerais de potasse ;
- marine, issu du traitement de l’eau de mer des régions maritimes désertiques ou des marais salants très ensoleillés.
E553b – Talc alimentaire
Le talc alimentaire est d’origine minérale, extrait de roches métamorphiques, comme la stéatite. Il s’agit donc d’un additif alimentaire naturel.
E570 – Acide stéarique
Il provient de l’extraction de :
- graisses végétales (coton, coco, soja, tournesol…) ;
- graisses animales, essentiellement de graisses de ruminants.
La production se fait généralement par saponification, avec parfois un recours à des dérivés d’hydrocarbures.
Maltodextrine
La maltodextrine est produite à partir d’amidon (de maïs, de blé, de riz, de pomme de terre ou de tapioca). L’amidon est traité de manière naturelle, en 4 étapes :
- hydrolyse par voie enzymatique ;
- purification ;
- séchage ;
- pulvérisation.
Il s’agit également d’un additif naturel.
Gélules en carraghénanes
Les carraghénanes sont des algues rouges sèches, traitées avec des enzymes. Sa production ne requiert aucune modification chimique.
Ainsi, les gélules en carraghénanes sont des gélules végétales naturelles.
Gélules en pullulan
Le pullulan est un ingrédient purement végétal, obtenu par fermentation de pulpes de plante qui seront ensuite traitées avec de l’eau, de la gomme de guar et des extraits d’algues.
Ainsi, les gélules en pullulan sont garanties entièrement naturelles.
Gélules en gélatine
La gélatine est un ingrédient d’origine animale, provenant de peau de poisson, de porc, de bœuf ou de volaille.
Lors de la fabrication des gélules en gélatine, l’ingrédient ne subit que des traitements physiques. Ainsi, ces gélules sont 100 % naturelles.
Quels sont ceux de synthèse ?
Les excipients synthétiques sont ceux qui sont produits par synthèse chimique. Certains d’entre eux sont similaires à des substances existant à l’état naturel mais difficilement exploitables dans le milieu industriel. D’autres sont purement artificiels. Lesquels ?
E171 – Dioxyde de titane
Le TiO2 est d’origine minérale, provenant de l’extraction de l’ilménite ou de rutiles. Mais il doit être traité chimiquement, avec du sulfate ou du chlore.
Il soulève trop d’incertitudes quant à son innocuité. Par précaution, les autorités françaises ont décidé de suspendre pour un an la mise sur le marché des denrées alimentaires qui en contiennent1, depuis le 1er janvier 2020.
E202 – Sorbate de potassium
On peut le trouver naturellement dans les baies du sorbier ou dans les fruits du frêne. On pourrait croire qu’il s’agit d’un additif naturel.
Cependant dans l’industrie des aliments transformés, il est produit synthétiquement à partir de l’acide sorbique et de l’hydroxyde de potassium.
E211 – Benzoate de sodium
Il provient de la dissolution de l’acide benzoïque dans une solution d’hydroxyde de sodium.
En ce qui concerne l’acide benzoïque, il est également produit synthétiquement :
- soit en exposant du naphtalène en présence de l’oxyde de vanadium ;
- soit en oxydant du toluène avec de l’acide nitrique ;
- soit en hydrolysant du trichlorobenzène.
E420(i) – Sorbitol
C’est du glucose d’origine végétale (des amidons modifiés par voie enzymatique) qui est traité chimiquement pour obtenir du sorbitol.
E433 – Polysorbate 80
Il provient du traitement du sorbitol, en utilisant de l’acide gras naturel (laurique, oléique, palmitique ou stéarique) et de l’oxyde d’éthylène. Sa production se fait en trois étapes :
- d’abord, on isole le sorbitane, en retirant toute l’eau du sorbitol ;
- ensuite, on estérifie le sorbitane avec un acide gras ;
- puis, on ajoute de l’oxyde d’éthylène, en présence d’un catalyseur.
E460 – Cellulose microcristalline
Cet excipient est produit à partir de la cellulose naturelle, une molécule issue de l’extraction des pulpes de souches de matières végétales fibreuses : coton, bois, maïs…
Toutefois, durant le processus de production, toutes les caractéristiques cet additif, au départ naturel, sont éliminées. Ainsi, la cellulose microcristalline serait plutôt d’origine naturelle. On pourrait même la considérer comme excipient synthétique.
E466 – Croscarmellose sodique
Appelée aussi « carboxyméthylcellulose de sodium (Na-CMC) », la croscarmellose sodique est un dérivé de la cellulose, une substance d’origine végétale. Toutefois, sa transformation se fait par synthèse, avec le sel sodique de l’acide chloroacétique.
E470(i) – Stéarate de calcium
Il provient de la combinaison de deux chaînes d’acide stéarique avec un atome de calcium.
E470(ii) – Stéarate de magnésium
Il est produit à partir du magnésium et d’un acide gras (acide stéarique ou palmitique).
E471 – Dibéhénate de glycérol
Il est le résultat de la double estérification du glycérol par de l’acide béhénique. Il n’a rien d’un additif naturel.
Gélules en cellulose HPMC
L’hydroxypropylméthylcellulose, ou « cellulose HPMC », est une substance d’origine végétale, mais produite de façon synthétique. Elle provient de la cellulose naturelle, mais traitée avec du chlorure de méthyle et de l’oxyde de propylène.
Ainsi, les gélules en cellulose HPMC sont des « gélules végétales », mais ne sont pas naturelles.
Quels sont les excipients qui présentent ces deux caractéristiques ?
Il en existe certains qui peuvent être extraits de substances naturelles. Mais pour des raisons économiques, techniques ou technologiques, certains fabricants préfèrent les produire (à grande échelle) par synthèse chimique. Dans le contexte où leur origine n’est généralement pas indiquée sur les étiquettes, il serait difficile de savoir si c’est un additif naturel ou synthétique.
E170 – Carbonate de calcium
Le CaCO3 est un sel inorganique essentiel qui peut être extrait du calcaire naturel. Mais les fabricants qui souhaitent obtenir un excipient plus pur préfèrent le produire synthétiquement, à partir du lait de chaux et du dioxyde carbone.
E341 – Phosphate dicalcique
Certains fabricants l’extraient des roches phosphatées naturelles.
Mais dans la majorité des cas, il est produit synthétiquement à partir de l’acide phosphorique et du dihydroxyde de calcium.
E422 – Glycérine
La glycérine, ou glycérol, est un additif naturel, s’il a été produit :
- à partir de graisses ou d’huiles végétales (olive, colza, palme…)
- à partir de graisses animales ;
- par fermentation bactériologique du sucre.
Mais il se peut également qu’il soit fabriqué synthétiquement.
E504(i) – Carbonate de magnésium
Ce minéral essentiel peut être extrait des roches sédimentaires, où :
- le silicate de magnésium a été altéré naturellement sous l’action d’eau carbonatée ;
- la calcite a été remplacée sous l’action de solutions magnésiennes ;
- une action métamorphique a formé le carbonate de magnésium.
Mais ces phénomènes sont rares pour permettre une production à grande échelle de MgCO3. Ainsi, certains fabricants préfèrent le produire synthétiquement, à partir de solutions de magnésium, dans une atmosphère de dioxyde de carbone.
E551 – Dioxyde de silicium
La silice amorphe peut être extraite de sable ou de roche (surtout du quartz).
Mais dans la plupart des cas, le SiO2 est produit synthétiquement, grâce à la combinaison de l’oxygène et du silicium synthétique.
Amidons de maïs et de blé
Les amidons natifs sont extraits naturellement des grains de maïs et de blé. Malheureusement, ces substances ne sont pas utilisables en l’état : il faut les modifier pour qu’ils développent les propriétés indispensables. Ainsi, ils nécessitent des modifications physiques, biologiques, chimiques ou physico-chimiques.
Selon le règlement (UE) N° 1169/20112 du Parlement européen et du Conseil :
- les amidons modifiés traités par voie physique ou enzymatique peuvent être notés tout simplement « amidon » ;
- les amidons modifiés ayant reçu d’autres traitements doivent être étiquetés comme « amidon modifié ». Toutefois, les industriels ne seront obligés de préciser ni la modification apportée, ni le numéro E de l’additif alimentaire.
On peut en déduire que seuls les « amidons » seraient naturels. Les « amidons modifiés » seraient de synthèse.
Pour résumer
- L’additif naturel provient des extraits de végétaux, d’animaux, de minéraux, ou d’eau de mer.
- L’excipient de synthèse est produit partiellement ou entièrement à partir de substances chimiques.
- Il se peut qu’un procédé physique entraîne une modification chimique d’une matière naturelle. Dans ce cas, il reste naturel.
- Il peut être fabriqué parfois naturellement, parfois synthétiquement. Seuls les fabricants peuvent certifier leur véritable origine. Sur les étiquettes, il serait difficile de trancher qu’ils sont synthétiques ou pas.
- Il existe deux types de synthèse : ceux qui sont identiques à des substances naturelles, et ceux qui sont purement artificiels (qui n’existent pas à l’état naturel).
En conclusion
Dans certains cas, il est possible de différencier un additif naturel d’une forme synthétique. Mais parfois, le doute subsiste, lorsqu’on ne connaît pas exactement la matière première utilisée. Le mieux serait donc d’opter pour des produits bio, où les excipients autorisés ne sont majoritairement pas synthétiques.