Les mono- et diglycérides d’acides gras (E471) sont des excipients synthétiques, disponibles en qualité médicale, alimentaire et industrielle. Dans l’industrie agroalimentaire, ils sont ajoutés dans diverses catégories de denrées alimentaires en tant qu’additifs. Mais de quoi sont-ils composés ? Quels peuvent être les risques liés à la consommation de ces excipients ?
En bref
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NaturalitéLes glycérides d’acides gras sont fabriqués par synthèse avec du glycérol un acide gras.
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Toxicité supposéeLes études montrent leur innocuité. En revanche, ce sont des acides gras trans issu d’huiles hydrogénées, qui ne sont pas bonnes pour la santé. Leur toxicité a été relevée chez la souris.
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Manifestation secondaireEn tant qu’acides gras saturés trans, ils pourraient contribuer à augmenter le mauvais cholestérol.
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Contre indicationIl y a seulement des contre-indications en termes de « dose ». Aussi, il est interdit en bio
Préferénces alimentaires
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Additif naturelSynthétique
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Additif non nanoNon nano
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Additif non OGMPeut être OGM
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Additif utilisable en bioNon utilisable en bio
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Additif sans glutenConvient aux régimes sans gluten
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Additif HallalPeut être Halal
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Additif veganPeut être végan
Définition
Les mono- et diglycérides d’acides gras (E471) sont des substances synthétiques, qui peuvent être produites :
- soit par glycérolyse de graisses et/ou huiles alimentaires ;
- soit par une simple ou une double estérification du glycérol par des acides gras.
Le glycérol (E422), appelé aussi « glycérine », est un polyol (alcool) composé de 3 groupes hydroxyles, qu’on peut obtenir :
- à partir d’huiles végétales, de graisses végétales ou animales ;
- de façon synthétique ;
- via une fermentation bactériologique.
Pour produire les monoglycérides d’acides gras, les atomes d’acides gras sont attachés par liaison ester à un groupe hydroxyle de glycérol. Quant aux diglycérides d’acides gras, deux chaînes d’acides gras sont liées chacune à deux atomes de carbone du glycérol (le premier et le deuxième, ou le premier et le troisième).
La composition de ces excipients varie en fonction des acides gras (E570) utilisés :
- acides gras saturés ou insaturés ;
- acides gras d’origine animale ou végétale.
On peut citer, par exemple :
- le dibéhénate de glycérol, un diester de glycérol et d’acide béhénique ;
- le monooléate de glycérine, un monoester de glycérol et d’acide oléique ;
- le monostéarate de glycérine, un monoester de glycérol et d’acide stéarique ;
- le monopalmitate de glycérine, un monoester de glycérol et d’acide palmitique.
Ainsi, cette substance dispose de ses propres propriétés. Mais quoi qu’il en soit, l’E471 devrait contenir au moins 70 % de mono- ou diesters.
La consistance de l’excipient varie selon les matières utilisées : parfois un liquide huileux de couleur paille à brun clair, parfois un solide dur de couleur blanche ou blanc cassé. Les solides peuvent avoir la forme de paillettes, de poudres ou de perles.
A quoi servent-ils ?
En tant qu’additifs alimentaires, les mono- et diglycérides d’acides gras peuvent être utilisés comme :
- émulsifiant ;
- stabilisant ;
- gélifiant ;
- antioxydant ;
- anti-moussant ;
- agent d’enrobage ;
- agent de texture ;
- support d’additif.
D’après le Codex Alimentarius1, ces excipients seraient présents, selon le principe du quantum satis, dans les :
- laits et produits à base de lait ;
- sucres et sirops ;
- boissons chaudes à base de céréales et de grains ;
- crèmes ;
- fruits frais traités en surface ;
- légumes et produits à base de légumes ;
- poissons et produits de la pêche ;
- produits à base d’œufs ;
- pâtes et nouilles ;
- saindoux, suif, huiles de poisson et autres graisses animales ;
- viandes ;
- fromages ;
- confiseries ;
- produits de boulangerie ;
- assaisonnements, condiments, vinaigres, moutardes et épices ;
- sauces, potages, bouillons, levures ;
- boissons alcoolisées ou non.
Ils sont autorisés dans l’alimentation infantile, mais soumis à une limitation de concentration maximale :
- jusqu’à 5.000 mg/kg dans les aliments complémentaires pour nourrissons et enfants en bas âge ;
- jusqu’à 4.000 mg/kg dans les préparations de suite, les préparations pour nourrissons et les préparations pour nourrissons destinées à des usages médicaux particuliers.
En revanche, ils sont interdits dans la filière bio.
A noter : conformément au Règlement (UE) N° 2019/8012 du 17 mai 2019, l’utilisation de l’E471 en tant qu’agent d’enrobage pour le traitement de surface des fruits ne serait autorisée que sur les fruits dont la peau n’est généralement pas consommée, comme les agrumes, les melons, les ananas, les bananes, les papayes, les avocats et les grenades.
Peut-on les consommer sans risque ?
Mono- et diglycérides d’acides gras : aucun danger ou problème de sécurité ?
L’Avis scientifique de l’EFSA3 (Autorité européenne de sécurité des aliments), pour leur utilisation comme additifs alimentaires, a été adopté en septembre 2017.
D’après cette autorité, ces excipients seraient très probablement hydrolysés par les lipases dans le tractus gastro-intestinal, ce qui provoquerait la séparation des molécules de glycérol et d’acides gras. Après l’hydrolyse, au moins la moitié des composants serait absorbée.
Le groupe scientifique de l’EFSA a déjà réévalué le glycérol (E422) et les acides gras (E570) utilisés comme additifs alimentaires. Il semble que ni le glycérol ni les acides gras ne poseraient aucun danger, pour la sécurité des consommateurs.
Quant aux études sur ces excipients, aucune inquiétude n’a été signalée en termes de :
- toxicité chronique, même à des doses allant jusqu’à 7.800 mg/kg pc/jour chez les souris et 2.000 mg/kg pc/jour chez les rats ;
- toxicité subchronique, même à la dose la plus élevée testée de 7.500 mg/kg pc/jour chez les hamsters et 2.500 mg/kg pc/jour chez les rats ;
- toxicité sur la reproduction et le développement ;
- cancérogénicité ;
- génotoxicité.
De toute façon, l’E471 ne contribuerait qu’à hauteur de 0,8 à 3,5 % de l’apport journalier recommandé en graisses.
Ainsi, l’EFSA a conclu qu’il n’y aurait aucun risque pour la consommation de ces substances en tant qu’additifs alimentaires, et qu’il ne serait pas nécessaire de fixer une DJA (dose journalière acceptable).
Et sur les souris ?
En revanche, quelques études sur la souris4 5 6 7 8 rapportent les effets des mono- et diglycérides d’acides gras sur la perméabilité et la flore intestinale. Ceci peut provoquer des déséquilibres inflammatoires et auto-immuns. Et donc certaines pathologies : Crohn, cancer du côlon, syndrome métabolique, allergies.
Néanmoins, ces éléments sont à mesurer : ce sont des études préliminaires et la souris a tendance à accumuler les acides gras (alors que l’homme les évacue plus facilement).
Risques liés à la présence d’acides gras trans ?
L’E471 fabriqué via la technique de glycérolyse de graisses et/ou huiles hydrogénés pourrait contenir des quantités d’acides gras trans très élevées.
D’après certaines études, les acides gras trans exposeraient à de nombreux risques : maladies cardiovasculaires, hypercholestérolémie, dysfonctionnement hépatique… Même la Commission européenne a admis, dans le Règlement (UE) N° 2019–6499 du 24 avril 2019, que les acides gras trans pourraient avoir des effets nocifs pour la santé.
De ce fait, la Commission a exigé à ce que les aliments destinés au consommateur final ne contiennent pas plus de 2 g d’acides gras trans (autres que les acides gras trans naturellement présents dans les graisses d’origine animale) pour 100 g de matière grasse.
Les acides gras trans devraient aussi être inscrits dans la liste des substances faisant l’objet de restrictions, dans l’Annexe III du Règlement (CE) N° 1925/200610 du 20 décembre 2006, concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires.
Et les problèmes causés par les acides gras saturés ?
Le groupe scientifique de l’EFSA a noté que les diglycérides étudiés pour la réévaluation de l’E471 étaient majoritairement riches en acides gras insaturés.
Qu’en est-il donc des études toxicologiques pour les mono- et diglycérides d’acides gras riches en acides gras saturés ?
Or, il semble qu’un excès de consommation des acides gras saturés ferait augmenter le taux du « mauvais » cholestérol, ce qui pourrait provoquer des risques cardiovasculaires et du diabète.
Une révision des spécifications à envisager ?
Pour plus de sécurité sur leur utilisation en tant qu’additif alimentaire, l’EFSA a recommandé à ce que la Commission européenne révise les spécifications définies dans le Règlement (UE) N° 231/2012 du 9 mars 2012.
D’après le groupe scientifique, on devrait abaisser les limites maximales :
- de l’arsenic, du plomb, du mercure et du cadmium présents dans l’E471 ;
- des impuretés pour le glycérol (E 422) ;
- des solvants résiduels (tert-butanol ou tert-pentanol) utilisés lors de la fabrication de l’E471 ;
- des acides gras trans ou de l’acide éricuque dans l’E471 ;
- des esters glycidyliques d’acides gras qui se forment lors de sa désodorisation.
Les nourrissons et enfants en bas âge seraient les plus exposés à ces matières dangereuses pour la santé. Oui, c’est le cas par exemple des esters d’acides gras de glycidol, qui s’avèrent être génotoxiques et cancérigènes11.
Pour résumer
- Les mono- et diglycérides d’acides gras (E471) sont des additifs alimentaires synthétiques, produits à partir du glycérol (E422) et des acides gras (E570).
- Les composants utilisés pour la fabrication de ces excipients pourraient être d’origine synthétique, animale ou végétale. Il est donc fort probable qu’ils ne soient pas compatibles aux végétariens et aux personnes suivant un régime Vegan, Halal ou Casher.
- Ils sont autorisés dans de vastes catégories d’aliments, même dans l’alimentation infantile. Mais ils sont interdits dans le bio.
- Seule l’utilisation dans les préparations infantiles est soumise à des restrictions de concentration maximale. Pour les autres denrées alimentaires, ils peuvent être ajoutés selon le principe des bonnes pratiques de fabrication (BPF).
- D’après l’EFSA, utilisés comme additif alimentaire, ils ne présenteraient pas de risques pour la santé. Aucune DJA n’a été fixée.
- Certains industriels pourraient utiliser des graisses et/ou huiles hydrogénées lors de la fabrication de ces excipients, ce qui générerait la présence d’une grande quantité d’acides gras trans.
- Ils pourraient déclencher une augmentation du mauvais cholestérol, lorsqu’ils sont consommés en excès. Ainsi, le doute plane sur l’utilisation de ce type d’acides gras dans l’E471.
- Ces additifs alimentaires pourraient être contaminés par de nombreux composés toxiques durant tout le processus de fabrication. Certains seraient même classés génotoxiques et cancérigènes, comme le glycidol.
- L’EFSA a recommandé à ce que la Commission européenne révise à la baisse la teneur en matières toxiques autorisées dans ces substances.
En conclusion
Les autorités de la sécurité des aliments concluent que les mono- et diglycérides d’acides gras, utilisés comme additifs alimentaires, seraient sans danger pour les consommateurs. Mais il serait difficile de ne pas tenir compte des risques liés à la présence d’acides gras trans, de graisses saturées et d’autres substances toxiques dans ces excipients. Il vaudrait donc mieux limiter au maximum la consommation d’aliments contenant de l’E471, notamment dans le cadre de l’alimentation infantile.
- 1: 🔗 http://www.fao.org/gsfaonline/additives/details.html?id=19
- 2: 🔗 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0801&from=FRA
- 3: 🔗 https://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/pub/5045
- 4: 🔗 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R0649&from=EN
- 5: 🔗 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32006R1925&from=EN
- 6: 🔗 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A02012R0231-20140414
- 7: Csaki, K. F. (2011). Synthetic surfactant food additives can cause intestinal barrier dysfunction. Medical hypotheses, 76(5), 676-681.
- 8: Lerner, A., & Matthias, T. (2015). Changes in intestinal tight junction permeability associated with industrial food additives explain the rising incidence of autoimmune disease. Autoimmunity reviews, 14(6), 479-489.
- 9: Chassaing et al., 2015. Dietary emulsifiers impact the mouse gut microbiota promoting colitis and metabolic syndrome. Nature, 519(7541), 92.
- 10: Chassaing et al., 2017. Dietary emulsifiers directly alter human microbiota composition and gene expression ex vivo potentiating intestinal inflammation. Gut, 66(8), 1414-1427.
- 11: Viennois et al., 2017. Dietaryemulsifier—induced low-grade inflammation promotes colon carcinogenesis. Cancer research, 77(1), 27-40.