Nutri-Score, vers une adoption obligatoire?

Le Nutri-Score va-t-il être obligatoire au sein de l’Union européenne? La Commission européenne doit statuer début 2023 sur l’adoption de ce système de notation des produits alimentaires. Mais à ce jour, elle ne semble pas favorable à son application. Faut-il s’offusquer ou au contraire se réjouir? Explications sur le bien-fondé d’un tel indicateur et présentation de ses défauts majeurs. Est-il à la hauteur d’une politique de santé publique cohérente?

Définition et signification

Nutri-Score est un logo apposé sur les emballages. Il présente les caractéristiques suivantes:

  • Échelle de 5 couleurs : du vert foncé au orange foncé
  • Associée à des lettres allant de A à E

Il informe de la qualité nutritionnelle des aliments sous une forme simplifiée.

Il permet d’aider les consommateurs à mieux choisir leurs produits alimentaires. Il permet de comparer une même catégorie de denrées alimentaires.

Il s’inscrit dans le Plan National Nutrition Santé qui recommande de manger moins salé, moins sucré, moins gras et de consommer 5 fruits et légumes par jour.

Les critères du Nutri-score

Pour classer chaque denrée alimentaire, il prend en compte, pour 100 grammes de produit, la teneur :

  • en nutriments et aliments à privilégier: fibres, protéines, fruits et légumes, acides gras insaturés;
  • en nutriments à éviter: produits caloriques, riches en acides gras saturés, sel et sucre.

Le calcul du Nutri-Score, pour une denrée alimentaire, permet de lui attribuer une lettre et une couleur.

Pour certains aliments tels que le beurre, l’huile, les fromages ou encore les boissons, la méthode de calcul n’est pas la même. Ainsi, des modifications de la méthode de calcul doivent être apportées, pour ne pas les pénaliser.

L’ensemble des denrées alimentaires, ainsi que les boissons, sont concernées par le Nutri-Score, à l’exception des boissons alcoolisées, du thé et du café.

Législation

A ce jour, l’étiquetage des produits selon le Nutri-Score n’est pas obligatoire. En revanche, les entreprises qui le souhaitent, peuvent l’apposer sur leurs produits.

A l’heure actuelle, 7 pays se sont engagés à promouvoir cet étiquetage nutritionnel. Il s’agit de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg, des Pays-Bas, de l’Espagne et de la Suisse.

L’apposition obligatoire du Nutri-Score sur l’étiquetage des denrées alimentaires, pour les pays membres de l’Union européenne, doit être évaluée par la Commission Européenne. Cependant, il semble que l’Union européenne soit contre son application au sein des pays membres1. En effet, elle est à la recherche d’un indicateur plus performant2. De nombreux élus ne sont pas favorables à son application, car il pénalise les produits de terroir3 4.

Les pro Nutri-Score accusent les lobbies agroalimentaires de militer contre ce logo5. Pourtant, selon Santé publique France, en juin 2021, plus de 700 entreprises, représentant 57% des parts de marché en volumes de ventes, avaient recours à ce logo. « Plus de 240 industriels de l’agroalimentaire et distributeurs se sont d’ores et déjà engagés à apposer ce logo sur leurs produits en France. Cela représente plus de 5000 références en magasin et plus de 12 000 références en e-commerce ».

Critiques

L’interprétation des scores

Son interprétation peut prêter à confusion.

Les huiles d’olive ou de colza ont une note C. Le Big Mac™ de McDonald’s a également la note C. Ainsi, cette notation peut manquer de clarté; certaines personnes peuvent penser que le Big Mac™, tout comme l’huile d’olive, doivent être évités. Nesquik et un sandwich triangle ont la note A: cette notation peut créer de la confusion.

Or, le Nutri-Score n’a pas vocation à comparer des produits de différentes sortes entre-eux. Il doit être utilisé pour comparer des denrées de la même catégorie d’aliments: un Big Mac™ et un Cheeseburger, par exemple.

Cette information n’est pas toujours connue du grand public. En effet, le beurre, les sardines ou les huiles végétales, peuvent être considérés comme « néfastes pour la santé », alors que ce n’est pas le cas.

Aucune donnée sur l’ultra-transformation des aliments

Des aliments ultra-transformés peuvent avoir une note A ou B, alors que des aliments traditionnels peuvent être pénalisés par ce système de notation.

Or, le degré de transformation d’un produit est directement en lien avec sa valeur nutritionnelle réelle. La transformation (raffinage, broyage, ajout d’ingrédients industriels) fait perdre des nutriments: vitamines, minéraux, polyphénols… Par ailleurs, les huiles végétales chauffées, qui génèrent des acides gras trans, peuvent être nocives pour l’organisme.

Pourtant, un indice de transformation des aliments existe: l’indice Nova6.

Les combines des industriels

De nombreux industriels ont adopté cette méthode de notation; ils peuvent obtenir de meilleurs résultats, sans changer leurs pratiques.

Pour que les denrées ne soient pas pénalisées par le Nutri-Score ou par Yuka, les industriels peuvent avoir recours à certaines techniques:

  • Diminuer la quantité de matière grasse, pour la remplacer par des émulsifiants chimiques ou des épaississants.
  • Diminuer la quantité de sucre, mais ajouter des édulcorants ou des dérivés de sucre.
  • Utiliser de l’amidon au lieu du sucre: l’apport calorique n’est pas augmenté.
  • Ajouter des arômes de synthèse.
  • Incorporer de l’air dans les aliments (glaces, sauces…). Dans certains cas, ils peuvent contenir plus d’air que de matière première7.

Toutes ces pratiques sont néfastes pour la qualité nutritionnelle de l’aliment.

La présence d’additifs non évaluée

La présence et la quantité d’additifs ne sont pas prises en compte par ce système de notation. Or, certaines denrées peuvent renfermer de nombreux additifs. En effet, ils permettent d’améliorer la texture et le goût, sans ajouter de sucre ou de matière grasse.

Portions

Ce système de notation ne prend pas en compte la taille des portions. L’évaluation d’une denrée alimentaire est réalisée pour 100 g ou 100 ml de produit. Or, une portion de fromage par jour, par personne, ne dépasse généralement pas 25 à 30 grammes. C’est également le cas pour l’huile ou le beurre.

Le sucre

Le Nutri-Score prend en compte la teneur en sucres, mais pas son impact sur la glycémie. Or, l’index glycémique (IG) est un marqueur pertinent, qui permet d’évaluer la nocivité du sucre.

Un aliment, avec un index glycémique faible, présente les caractéristiques suivantes:

  • Un rapport glucides complexes/glucides simples élevé.
  • Peu ou pas transformé (aucun broyage, mixage, hachage ou cuisson).
  • Présence importante de fibres.

Une pastèque ne contient que 7 g de sucre pour 100 grammes. Et pourtant, sa consommation entraîne un pic glycémique dans l’organisme.

Des biscottes au blé complet peuvent avoir la note de A. Elles ne contiennent que 4,4 g de sucres, pour 66 g de glucides. Par conséquent, leur indice glycémique est élevé (70).

Les matières grasses bénéfiques pour la santé

La quantité de matière grasse totale, ainsi que les acides gras saturés, sont pris en compte par le Nutri-Score. Cependant, les acides gras bénéfiques pour la santé (oméga-3, 6 et 9) ne sont pas pris en compte par ce système de notation.

Par ailleurs, les matières grasses saturées pénalisent fortement les produits. Dans une étude de grande ampleur,8 portant sur des recherches menées entre 2010 et 2021, l’impact des graisses saturées sur les maladies cardio-vasculaires a été analysé. Le résultat est sans appel: à ce jour, il n’existe pas de preuves scientifiques, indiquant que les acides gras saturés favorisent l’apparition de maladies cardiovasculaires.

En revanche, les acides gras trans, également appelés graisses hydrogénées, sont néfastes pour la santé. Ils proviennent de la cuisson des huiles végétales. Le Nutri-Score ne fait aucune différence entre les acides gras saturés et les acides gras trans.

Prendre exemple sur les compléments alimentaires?

Valeurs nutritionnelles de qualité

Pour que la qualité réelle des ingrédients soit évaluée, les étiquettes des produits ultra-transformés devraient mentionner les teneurs en:

  • vitamines et minéraux;
  • acides gras saturés, insaturés, trans, oméga-3, 6 et 9;
  • molécules diverses bénéfiques pour la santé: polyphénols, flavonoïdes.

Ces données sont déjà évaluées et indiquées pour les compléments alimentaires, qui sont aussi des aliments ultra-transformés. Pourquoi ne pas les intégrer dans le calcul du Nutri-Score?

Analyses des contaminants

Des analyses de contaminants et de métaux lourds pourraient être également intégrées:

  • Métaux lourds, dioxines, PCB…
  • Pesticides

L’impact sur la santé des contaminants est connu. Les intégrer dans le calcul permettrait de mettre en place une véritable politique sanitaire et environnementale. Les analyses sont déjà obligatoires pour les compléments alimentaires en France, pourquoi ne pas les appliquer pour les aliments transformés?

Conclusion

Le Nutri-Score doit-il devenir obligatoire?

Il a pour objectif de renseigner les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires, et les inciter à faire des choix plus sains (consommer moins de sucre, de sel ou de matière grasse).

Mais quel est l’intérêt réel de ce logo? Certains paramètres essentiels ne sont pas pris en compte: transformation des aliments, index glycémique, qualité des acides gras et présence d’additifs.
Il pourrait même être contre-productif, car certains industriels peuvent ajouter des substituts de gras et de sucre, ou encore des additifs.

Ce système de notation peut favoriser les produits industriels ultra-transformés, au détriment des produits traditionnels.

A l’heure actuelle, le Nutri-Score n’est pas obligatoire: la Commission européenne n’a pas pu statuer sur l’obligation de ce logo en 2022.